L’inventeur américain Stanley Allen Meyer prétendait avoir trouvé la solution du moteur à eau. C’était bien sûr une arnaque, mais les conditions mystérieuses de sa mort alimentent encore les théories du complot.
Le 20 mars 1998 aurait dû être un grand jour pour Grove City. Cette ville de l’Ohio, perdue au milieu du Midwest américain, compte 35 000 habitants et sa fiche Wikipédia est épaisse comme un câble de frein à main. Alors que l’histoire l’avait toujours soigneusement contournée, elle allait finir par entrer ici à grand fracas. Déjà, quatre hommes levaient leurs verres, à l’orée du printemps, au-dessus d’une table d’un Cracker Barrel, une chaîne de restaurants comme on n’en fait qu’aux États-Unis.
Stanley Allen Meyer trinquait avec son frère et deux investisseurs belges, Phillippe Vandemoortele et Marc Vancraeyenest, à la réussite du procédé révolutionnaire qu’il avait mis au point. Cet inventeur patenté avait trouvé un moyen de transformer l’eau en carburant. Non seulement la prouesse était un serpent de mer de l’ingénierie automobile, mais elle semblait impossible aux physiciens qui s’étaient penchés sérieusement sur la question. Stanley Allen Meyer était donc un génie.
Notre génie ne tournait peut-être pas à l’eau en ce 20 mars 1998, mais il restait sage. Meyer se contentait d’un jus de canneberges pour célébrer les profits à venir. Seulement ces profits allaient vite s’évaporer sur le bitume. Après une gorgée, le quinquagénaire s’est étranglé. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, il était dehors, à genoux, en train de vomir violet. « J’ai couru à l’extérieur et je lui ai demandé ce qui n’allait pas », a raconté son frère, Stephen Mayer. « Ils m’ont empoisonné », aurait grimacé Stanley avant de rendre son dernier souffle.
Stanley Allen Meyer a ainsi disparu en laissant, d’une part, Grove City dans les limbes de l’histoire et, d’autre part, une question lancinante : quelqu’un l’a-t-il éliminé pour tuer son invention dans l’œuf ? « On m’a proposé d’énormes sommes d’argent pour que je vende ou que j’arrête mes recherches », peut-on le voir expliquer dans le documentaire It Runs on Water, diffusé par la BBC en 1995. L’inventeur se disait menacé. Alors, faute de pouvoir ausculter son moteur à eau resté introuvable, la police s’est intéressée à son histoire.
Stanley Allen Meyer est né à l’est de Columbus, non loin de Grove City, où il a commencé ses études avant de rejoindre l’armée. « On n’arrêtait pas de construire des choses », se souvient son frère, Stephen. « On créait nos jouets avec ce qu’on trouvait dehors. » Adulte, Stanley a donc continué à bricoler et il s’est mis à déposer des brevets à la pelle, collaborant avec la Battelle Foundation et, selon certaines sources, avec la NASA.
180 kilomètres avec seulement 4 litres d’eau. Son intérêt pour l’automobile s’est fait jour entre les deux grandes crises pétrolières, en 1975. « Il était devenu impératif d’essayer d’apporter une source de carburant alternative, et de le faire vite », rembobine-t-il dans le documentaire de la BBC. L’eau présente l’avantage d’être composée d’hydrogène, une molécule également produite par la combustion d’hydrocarbure. Sauf que pour la séparer de l’oxygène (H2O), une grande quantité d’électricité est nécessaire. Stanley Allen Meyer devait donc trouver le moyen, sinon de neutraliser, du moins de réduire ce besoin.
À en croire l’inscription « voiture roulant à l’eau » qui figurait sur son buggy, cette tentative a été couronnée de succès. Le natif de Columbus affirmait avoir créé une pile à combustible à eau et pouvoir faire rouler son véhicule 180 kilomètres avec seulement 4 litres d’eau. Ces chiffres époustouflants lui ont d’ailleurs permis d’attirer une kyrielle d’investisseurs. Lesquels investisseurs se sont mis à douter. En 1994, l’un d’entre eux, William E. Brooks, a obtenu le remboursement de ses 300 000 dollars, signe qu’il avait bien été dupé par Meyer. Deux ans plus tard, un tribunal du comté de Fayette, en Géorgie, a conclu à une « grossière escroquerie ». Résultat, l’inventeur a été contraint de rendre les sommes qu’on lui avait prêtées.
En 1998, Stanley Allen Meyer n’avait semble-t-il pas complètement abandonné l’idée de flouer quelques lointains entrepreneurs. Ses cibles s’appelaient alors Phillippe Vandemoortele et Marc Vancraeyenest et elles étaient invitées à boire un verre au Cracker Barrel de Grove City. Une gorgée de jus de canneberges plus tard, Meyer était au sol. Mais d’après l’autopsie menée par la police, aucune trace de poison n’a été retrouvée dans son sang. L’homme souffrait de pression artérielle et il est mort d’une crise d’anévrisme. Depuis, cette fin tragique ne cesse d’alimenter les théories du complot plus fumeuses que les pots d’échappement dont il est ici question.
Source : detours.canal.fr